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Résistance du marché du logement

agnes-hector Par Le 15/03/2021

Un an après le début de la crise sanitaire, la résistance du marché des logements surprend. Le recul des prix reste limité. Mais il s’est enclenché.

Sur douze mois glissants, il y a eu à la fin de l’année dernière 1,024 million de transactions en France, un montant proche du record de 2019 à 1,07 million, alors que cet indicateur s’établissait à 990.000 fin septembre, et était plutôt attendu en repli.

Malgré la quasi mise à l’arrêt du marché pendant les deux confinements, cette année 2020 amputée de trois mois d’activité, a ainsi montré une étonnante vitalité pour les transactions immobilières.

Le maintien de taux d’intérêt très bas y a contribué. Les transactions en province ont en partie compensé la baisse de 12% des ventes de logements anciens constatée en Île-de-France en 2020 par les notaires, qui s’attendent encore à un fléchissement des volumes de transactions au premier trimestre 2021.

Changement de tendance

Les prix, eux, restent depuis le début de la crise sanitaire en hausse annuelle au niveau national, évaluée par les notaires à +6,4% pour 2020. Mais, depuis janvier, un changement de tendance se dessine.

Au 1er mars, l’observatoire Meilleurs Agents situe désormais l’augmentation nationale des prix sur douze mois à +2%, signe du ralentissement. Entre début septembre et début mars, Paris a enregistré un recul moyen des prix de 2,5%. Meilleurs Agents situe ce repli à -0,1% dans les dix plus grandes métropoles françaises, et constate aussi une stabilisation pour les cinquante plus grandes villes de l’Hexagone.

Cette accalmie sur les prix au cours des six derniers mois est liée à l’érosion progressive de la demande, qui rééquilibre le rapport entre acheteurs et vendeurs. «Dans la plupart des grandes métropoles, et notamment dans la capitale, la tension immobilière à l’heure actuelle est proche du ratio d’un acheteur pour un vendeur», estime Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents.

Cette fragilisation de la demande, amplifiée par la lassitude face à la prolongation de la crise sanitaire, est liée notamment au manque de confiance des ménages devant les incertitudes de leur avenir, lorsque cesseront les mesures de soutien de l’État (chômage partiel, aides aux entreprises).

Faut-il y voir les prémices d’un retournement de marché ? Pas si sûr. «Ce coup de frein des derniers mois touche de manière hétérogène les principales agglomérations», précise Thomas Lefebvre. Les grandes villes aux prix élevés comme Paris ou Lyon sont désormais confrontées aux limites du pouvoir d’achat des ménages, et la tension immobilière y retombe.

Dans d’autres, très touchées par la crise, les prix et la demande baissent, comme Toulouse avec l’industrie aéronautique en berne, ou Nice privée de touristes. Certaines métropoles gardent, elles, une tension immobilière élevée, comme Lille, Strasbourg, Rennes et Nantes.

Question de confiance

Si les acquéreurs sont bien présents sur le marché, comme le confirme le nombre de visites, de contacts et de fréquentations des sites Internet dans les réseaux d’agences, Seloger constate que le nombre d’annonces recule, lui, de 10%. «Le marché immobilier s’approche dans certains segments d’un début de pénurie avec une offre qui se rétrécit, alors que les prix résistent», estime Michel Mouillart, porte-parole du baromètre LPI-Seloger.

L’incertitude sanitaire, la perspective d’une baisse des prix et les interrogations sur la capacité d’achat ou la solvabilité des acquéreurs potentiels pousserait plutôt les propriétaires à reporter leurs ventes. Selon Seloger, 70% des vendeurs potentiels redoutent une dégradation du niveau de vie.

Pourtant, la tension immobilière a réduit les délais de vente. Bon nombre de transactions se font encore quasiment au prix de présentation.

Périphéries recherchées

En périphérie des grandes villes, les biens plus spacieux, dotés d’un espace extérieur (balcon, terrasse, jardin), sont plus recherchés qu’avant le confinement. Les prix y progressent parfois plus vite que dans les centres-villes. Le marché de la maison en a profité avec une croissance des ventes de 8% en Île-de-France, selon les notaires, surtout en Grande Couronne (+13%), où l’offre est abondante et les prix plus modérés.

Dans la région Île-de-France, huit ventes sur dix sont désormais localisées hors de la capitale et trois sur dix sont des maisons. D’après les avant-contrats signés, moins nombreux en ce début d’année, le mouvement baissier à Paris conduirait à un prix au m² de 10.600 euros en avril 2021, en repli de 0,4% en trois mois, et très proche d’avril 2020 (10.520  euros / m²).

En Île-de-France, les notaires attendent des baisses de prix, en trois mois, de 0,5% pour les appartements et de 1% pour les maisons, de janvier à avril 2021. À l’approche du printemps, le marché pourrait donc être plus morose qu’à l’accoutumée, même si l’épargne forcée des ménages en 2020 (150 milliards d’euros) accroît leur capacité d’apport personnel.

Le bout du tunnel

Avec la crise sanitaire, la pierre reste un placement de protection. L’immobilier a renforcé sa valeur refuge, refuge à la fois financier, physique contre le virus et professionnel avec le télétravail.

A Paris, les biens de qualité en étage élevé, avec vue et luminosité, se vendront toujours à des prix élevés. Les baisses de 10% touchent plutôt les logements sombres, dans les premiers étages, exigeant des travaux. Mais comme New York et Londres, Paris a quitté, avec la crise, le podium des cinq premières places de l’indice Barnes City, qui recense les villes les plus recherchées par les grandes fortunes.

Si l’on se projette plus loin, des études européennes de Standard & Poor’s et de DWS (Deutsche Bank) envisagent une hausse des prix des logements dans les trois prochaines années de 1,5% en 2021 en France pour S&P, puis 2 % en 2022 et 2023. Mais dans ces deux études, la prévision s’appuie surtout sur une vraie sortie de crise avec forte reprise économique à partir de 2022.

Notre conseil. Une baisse modérée des prix offre des opportunités. La visibilité tant attendue sur l’évolution de la crise sanitaire émerge avec la vaccination massive de la population. Évaluez les conséquences de la conjoncture sur votre situation personnelle et professionnelle.

Certains secteurs très touchés par la crise (aéronautique, personnel navigant, métiers du tourisme, restaurateurs) ont moins les faveurs des banques. Mais le contrôle de l’épidémie restera la clé du rebond de l’activité.

Le bas niveau des taux d’intérêt, un soutien toujours actif

Les taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale européenne restent très bas, ce qui maintient un environnement favorable au crédit. Le taux moyen des prêts immobiliers en France, dont l’évolution est liée notamment aux taux longs des emprunts d’État (encore négatifs pour l’OAT 10 ans, autour de -0,13%, malgré sa remontée récente), s’établit à 1,14% hors assurance en février, selon l’observatoire Crédit Logement / CSA.

Les rares hausses de taux de prêt dans certaines banques sont pour le moment restées modérées, autour de 0,10 point.

Limitation de la demande

Ce faible coût de l’argent constitue une force de rappel persistante pour contenir une éventuelle baisse d’activité immobilière. Mais le resserrement de l’octroi de prêts et l’augmentation des refus sur les profils d’emprunteurs les moins solides, ou travaillant dans des secteurs d’activité très touchés par la crise, alimentent la limitation de la demande.

Selon les dernières données de la Banque de France, la production de crédits à l’habitat a baissé de 21% sur un an à fin janvier 2021, et de 10% sur le premier mois de l’année, alors que l’année 2020 avait été marquée par une hausse de la production de ces crédits de 2,3% par rapport à 2019.

Si l’on retranche les renégociations de crédits, le recul sur un an est plus modéré, de 7,2% à fin janvier.

 
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