Isolation : à quand des travaux obligatoires ?

Par Le 07/10/2019

Avec les accords de Paris sur le climat et l'urgence à agir contre le réchauffement climatique, l'étau se resserre autour des logements fortement consommateurs en énergie. Une nouvelle loi devrait obliger certains propriétaires à rénover les « passoires thermiques ».

Les logements classés F et G lors d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) ont du souci à se faire ! À la suite des accords de Paris sur le climat de 2017, la France a décidé d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 à l'échelle du territoire national. Après bien des discussions, l'Assemblée nationale et le Sénat ont ainsi voté la loi Énergie et Climat. L'une des questions centrales est le sort réservé aux logements très énergivores, parfois baptisés « passoires thermiques ». Rappelons que la consommation d'un logement est déterminée lors d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) généralement réalisé lors de la vente ou de l'achat d'un logement. Ce diagnostic classe de A à G les logements en fonction de leur consommation d'énergie. Un logement de catégorie F consomme entre 331 et 450 kWh/m² par an, et dans la catégorie G sa consommation est de plus de 450 kWh/m² par an. À titre de comparaison, un logement de catégorie A consomme moins de 50 kWh/m2 par an. Pour 100 m2, les occupants d'un logement de catégorie F ou G devront acquitter des factures de chauffage comprises entre 1 600 et 2 250 euros chaque année. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), 7 millions de ménages seraient concernés par ces logements énergivores, dont 73 % logés dans des copropriétés. Quels enjeux, quelles solutions... ? Voici nos réponses aux 6 questions concrètes que vous vous posez.

Quel est le sort réservé aux logements les plus énergivores ?

Après avoir envisagé d'interdire la location de ces logements en les considérant comme indécents, puis prévu un malus en cas de vente du logement, l'Assemblée nationale et le Sénat ont finalement adouci leur position. C'est un dispositif incitatif qui a été choisi. Dans un premier temps, il sera obligatoire de réaliser un audit énergétique à compter de 2022 en cas de mise en vente ou de location d'un logement classé F ou G. Cet audit, plus complet que le DPE actuel, sera adapté au logement et comprendra des propositions de travaux. Les informations des acquéreurs et des locataires sur les dépenses d'énergie du logement seront également renforcées à partir de 2022 même si on ne sait pas encore quel type d'information sera communiqué. D'ici au 1er janvier 2028, tous les propriétaires de logement dont la consommation énergétique relève des classes F et G du diagnostic de performance énergétique devront avoir réalisé des travaux d'isolation afin d'atteindre une classe E.

Des sanctions sont-elles prévues ?

En cas de non-respect de ces obligations, des sanctions pourraient être prévues mais elles ne le sont pas encore. Elles devraient l'être en 2023 dans le cadre de la programmation quinquennale de l'énergie. En revanche, un décret paru le 26 juillet 2019 (n°2019-802) prévoit d'ores et déjà des restrictions lorsque le logement est loué.

En principe, les propriétaires de logements loués nus, c'est-à-dire non meublés, et situés dans les grandes agglomérations où la demande de logements dépasse l'offre, peuvent augmenter le loyer en cas de relocation (nouveau locataire) ou de renouvellement du bail. Pour cela, ils doivent toutefois respecter un montant de hausse qui ne dépasse pas la variation de la valeur de l'IRL (Indice de référence des loyers) fixé par l'Insee.

Mais, nouveauté prévu par ce décret, c'est maintenant interdit pour les logements dont la consommation en énergie est supérieure à 331 KWh par m2 et par an (classés F et G). Pour eux, aucune augmentation de loyer n'est désormais possible. Sauf à réaliser des travaux d'isolation changeant la note énergétique de l'immeuble, le loyer reste bloqué. Le manque à gagner devrait inciter les propriétaires à isoler leur logement.

Certains logements seront-ils exonérés de ces obligations ?

Dans certains cas, le propriétaire ne peut pas réaliser les travaux nécessaires notamment s'il habite dans une copropriété qui refuse de voter les travaux prévus pour isoler le bâtiment. Les copropriétés des années 1960 à 1980 sont particulièrement concernées par les déperditions énergétiques. Le copropriétaire qui peut montrer qu'il a demandé des travaux et que ces derniers ont été refusés sera dispensé de ces obligations. Pour d'autres logements, les travaux d'isolation ne sont pas possibles techniquement ou bien leur coût serait hors de proportion par rapport aux économies d'énergie attendues. Dans ce cas, les travaux ne seront pas obligatoires.

Les prix des logements énergivores pourraient-ils baisser ?

Dans un marché où l'offre de logements excède la demande, l'étiquette énergétique peut faire baisser la valeur du logement mais dans un marché tendu, cette réalité est sans doute moins tangible. « Quoi qu'il en soit, les propriétaires de logements classés en F et G dans les DPE devront s'attendre à réaliser des travaux d'isolation à plus ou mois courte échéance. Lors de l'acquisition, ils doivent être alertés sur la nécessité de prévoir un budget en conséquence », estime Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Prévoir ce budget implique que le prix des logements énergivores aura tendance à baisser.

À quelles aides a-t-on droit pour réaliser ces travaux d'isolation ?

Les aides varient régulièrement à mesure que le gouvernement tente de les adapter aux besoins. L'aide la plus largement disponible est le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Il permet de bénéficier d'un crédit d'impôt de 30 % de la dépense et même de 50 % de la dépense lorsqu'il s'agit de la dépose d'une cuve de fioul. De plus, le CITE est conditionné à l'installation de matériels performants et de travaux réalisés par des artisans reconnus garant de l'environnement (RGE). L'aide est plafonnée à 8 000 euros sur 5 ans pour une personne seule et à 16 000 euros pour un couple. Le plafond est majoré de 400 euros par personne à charge. Les travaux de changement de système de chauffage mais aussi d'isolation des murs, de la toiture et même des parois vitrées sont éligibles au CITE(fin de l'avantage le 31-12-19).

Existe-t-il d'autres dispositifs ?

• Il est aussi possible de vendre ses certificats d'économie d'énergie (CEE). Les fournisseurs de gaz, d'électricité, de fioul ou de GPL ainsi que les grands acteurs de la distribution sont soumis à des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et peuvent y parvenir en achetant leurs économies d'énergie à des particuliers qui ont réalisé des travaux. Ces économies sont validées par des certificats d'économie d'énergie (CEE) et l'achat de ces derniers permet de réduire le montant des travaux.

• S'ajoute une aide supplémentaire baptisée « coup de pouce isolation » en complément de l'achat de CEE. Cette aide s'adresse à tout le monde, mais varie en fonction des revenus du ménage. Plusieurs types de travaux peuvent en bénéficier. C'est le cas du remplacement d'une chaudière au charbon, au fioul ou au gaz (autre qu'à condensation) par un équipement utilisant des énergies renouvelables comme une chaudière biomasse, une pompe à chaleur air/eau, eau/eau ou hybride, un système solaire combiné, ou un raccordement à un réseau de chaleur. L'ancien appareil peut aussi être remplacé par une chaudière au gaz à très haute performance énergétique, par un équipement de chauffage au charbon ou un appareil de chauffage au bois possédant le label « Flamme verte 7 ». Des subventions comprises entre 700 et 4 000 euros peuvent être accordées dans le cadre de ce coup de pouce isolation.

• Il est aussi possible de bénéficier de l'éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ). Un décret et deux arrêtés du 19 août 2019 simplifient ce dispositif. Le propriétaire réalise un ensemble de travaux et bénéficie d'un prêt à taux zéro jusqu'à 30 000 euros dont les intérêts sont pris en charge par l'État (voir aussi article p. 38). Tous les logements construits depuis plus de deux ans sont désormais éligibles au dispositif, l'isolation des plafonds bas est intégrée dans le dispositif.

• Enfin, s'ajoute aussi le programme « habiter mieux » de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (Anah). Ce programme est destiné à un public modeste voire très modeste (couple devant gagner, au maximum, 30 044 euros par an en Île-de-France et 21 630 euros en région). « Habiter mieux sérénité » peut ainsi aller jusqu'à 10 000 euros de subvention si le gain énergétique réalisé par les travaux est de 25 %. Dans le cas d'un ménage plus aisé, l'aide peut aller jusqu'à 7 000 euros. Et le programme « Habiter mieux agilité » ouvre, quant à lui, des aides pour le changement de chaudière et de chauffage, l'isolation des murs, ou encore l'isolation des combles. Entre 35 et 50 % du montant des travaux peuvent être subventionnés dans une limite allant de 7 000 à 10 000 euros en fonction des ressources du ménage.

« Il faut rendre les dispositifs plus compréhensibles »

« Le parc immobilier est responsable de 36 % de toutes les émissions de CO2 dans l'Union européenne. Au niveau national, le secteur du bâtiment représente près de 45 % de la consommation d'énergie finale et 27 % des émissions de gaz à effet de serre. En ce sens, les opérations de rénovations mises en place dans le secteur résidentiel sont encore insuffisantes. Il faut développer de façon importante le solaire thermique notamment mieux communiquer sur les avantages de celui-ci et mettre en place rapidement les mesures du plan « place au soleil » mené par le gouvernement. Il est également important de clarifier mieux les aides disponibles afin de rendre les dispositifs plus compréhensibles par le grand public. Le CITE doit aussi être transformé en prime versée par l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (Anah). Cette mesure sera discutée dans le projet de loi de finances pour 2020. Cela permettra d'éviter le décalage entre le moment où les travaux sont payés et celui où le foyer reçoit le crédit d'impôt. Les ménages doivent être mieux informés des bonnes pratiques mais aussi sur les résultats à attendre et les pièges à éviter. Il faut également mettre en place un outil de suivi partagé des rénovations et de leurs qualités énergétiques et rendre ce suivi accessible aux acteurs comme l'État, les collectivités locales, les professionnels du bâtiment et les particuliers. »

* Député, auteur du rapport d'information à l'Assemblée nationale sur les freins à la transition énergétique

 

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